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150 bibliothèques publiques à Liège et (presque) pas de bénévoles .... On vous explique tout !

En Alsace, plus de 2000 bénévoles participent à la gestion et l’animation des plus 300 de bibliothèques du territoire. Au sein de la Province de Liège, en Belgique, où l’on compte un peu plus de 150 bibliothèques publiques, le nombre de bénévole est plus proche... de zéro ! 

En Alsace, les politiques de lecture publique mises en œuvre par les collectivités locales (communes, intercommunalités...) s’inscrivent dans un cadre réglementaire et législatif d’échelle nationale, incarné notamment au travers de la loi Robert (2021).

En Belgique, la règlementation en matière de lecture publique varie d’une collectivité à l’autre.

Comment expliquer ces différences ? La réponse est à chercher du côté de la structuration institutionnelle de chaque pays.

Cet article vous propose d’embarquer pour un voyage au cœur du modèle belge !  

 

Le fédéralisme belge : un modèle fédéral singulier, structuré en communautés linguistiques et culturelles 

 

Pour comprendre la structuration des politiques de lecture publique belges, il faut tout d’abord comprendre l’architecture politique, institutionnelle et territoriale du pays.  
La Belgique est divisée en trois régions. Elle est également scindée en trois zones ou “communautés”, qui correspondent à trois aires linguistiques :  

  • La Fédération Wallonie-Bruxelles, où l’on parle le français
  • La Communauté flamande, où l’on parle le néerlandais
  • La Communauté germanophone, où l’on parle allemand 


Chacune de ces communautés a son parlement et son gouvernement. Elles exercent directement une série de compétences, dont celles liées à la langue, la culture, l’éducation, ou encore le sport.  
 
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Par comparaison avec la France, les communautés belges disposent d’une plus grande autonomie dans l’exercice des compétences qui leur sont attribuées. C’est ce qui explique, entre autres, les différences parfois marquées de mise en œuvre de la compétence “lecture publique” entre les trois communautés.  

 

Organisation de la lecture publique au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles  


Au cours de sa mobilité Erasmus+ en Belgique, l’équipe de la Bibliothèque d’Alsace a eu l’opportunité d’en apprendre plus sur la structuration des politiques de lecture publique sur le territoire de la communauté francophone (Fédération Wallonie-Bruxelles).  Ce territoire, qui recouvre plus de la moitié du pays sur sa partie sud, et qui s’étend d’est en ouest (cf. Carte ci-dessus), regroupe 5 provinces, dont la Province de Liège, où s’est déroulée la mobilité Erasmus+ à laquelle la Bibliothèque d’Alsace a participé. Sur le territoire de la Fédération (soit des 5 provinces réunies), on dénombre plus de 500 bibliothèques publiques, plus de 150 réseaux de lecture publique, et 6 opérateurs d’appui (équivalents des bibliothèques départementales françaises).  


L’organisation de la lecture publique au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles est encadrée par un décret datant du 30 avril 2009, modifié en octobre 2023.  Ce décret, qui organise donc la lecture publique sur le territoire communautaire francophone (et non sur le territoire national), a retenu l’attention de l’équipe de la Bibliothèque d’Alsace en raison de son caractère nettement plus prescriptif que le cadre législatif et réglementaire français. 

 

Focus sur le décret relatif au développement des pratiques de lecture et à l’organisation du Réseau de Lecture publique  

 

Typologie des acteurs de la lecture publique  


Le décret définit tout d’abord trois types de structures intervenant dans le secteur de la lecture publique, appelées “opérateurs” : 

  • Opérateurs directs : proposent des services directement à la population (bibliothèques locales, bibliothèques spécialisées). Dans le contexte français, ce type de structure correspond notamment aux bibliothèques municipales ou intercommunales.
  • Opérateurs d’appui : proposent des services aux opérateurs directs et itinérants pour les aider dans leurs missions. Chacune des cinq provinces du territoire de la Fédération, auxquelles s’ajoute la Région de Bruxelles-Capitale, dispose d’un opérateur d’appui. Dans le contexte français, ce type de structure s’apparente à une bibliothèque départementale. 
  • Opérateurs itinérants : proposent des services itinérants à la population d'un territoire donné. Dans le contexte français, ce type de structure correspond à un service de Bibliobus

 

Missions des opérateurs 

 

Les opérateurs ont pour missions de : 

  • Rassembler des ressources documentaires et culturelles dans différentes disciplines
  • Mettre ces ressources à disposition de la population
  • Développer des actions de médiation entre ces ressources et la population
  • Favoriser l'intégration des pratiques individuelles de lecture dans des pratiques collectives

 

Obligations des opérateurs  

 

Pour être reconnus et soutenus financièrement par les pouvoirs publics, les opérateurs doivent répondre à une série d’obligations. Pour les opérateurs directs (bibliothèques locales, bibliothèques spécialisées), on peut notamment citer :

  • Des obligations en matière de personnel salarié et rémunéré ; cette disposition explique notamment le très faible taux de bénévoles dans les bibliothèques locales du territoire de la Fédération
  • Des obligations en matière de formation du personnel
  • Des obligations en matière de rédaction et de formalisation de plans quinquennaux de développement (équivalents des projets d’établissement ou des projets culturels, scientifiques, éducatifs et sociaux en France)
  • Des objectifs en matière de typologie des collections proposées aux usagers (exemple : âge des collections)

Si une bibliothèque locale ne répond pas à ces obligations, elle ne sera ainsi pas reconnue en tant que bibliothèque publique, et ne pourra prétendre à aucune demande de subvention.  

 

Conclusions et regards croisés

 

L'immersion au sein de la Province de Liège, rattachée à la Fédération Wallonie-Bruxelles, s'est révélée particulièrement enrichissante pour l'équipe de la Bibliothèque d'Alsace.

Cette expérience nous a permis de découvrir un modèle où le cadre réglementaire structure de manière beaucoup plus prescriptive l'organisation et le fonctionnement des bibliothèques, par comparaison au contexte français.

Là où le cadre législatif national français reste assez généraliste, le décret de la Fédération Wallonie-Bruxelles impose des normes précises en matière de personnel, de formation, de projection pluriannuelle ou encore de typologie des collections.

Cette approche normative présente des avantages indéniables :

  • elle garantit un niveau de service homogène sur l'ensemble du territoire
  • professionnalise systématiquement les équipes
  • et assure une cohérence d'action au sein des réseaux de lecture publique.

Elle soulève néanmoins des questions sur la pérennité de ce type de réglementation, dans un contexte de forte contraction budgétaire - contexte également présent en Belgique. Elle invite également à réfléchir aux équilibres à trouver entre cadrage réglementaire et liberté d'action, entre standardisation des pratiques et adaptation aux réalités territoriales.